Varadero, une petite ville riche d'histoire
La première ébauche de la péninsule de Varadero se trouve sur une carte qui date de 1540. A l’arrivée des Espagnols à cette époque, les aborigènes vivaient dans cette région de Cuba. Les conquérants s’intéressèrent au site en premier lieu pour ces salines. On produira le sel à Varadero, fameux en Europe pour la finesse de ces grains, de 1555 à 1931. La plus ancienne des lagunes salines est encore visible entre les hôtels Paradisus et Peninsula, dans ce qui est maintenant un site naturel protégé.
En 1883, apparaît la première maisonnette, en bois, construite par des habitants de Cardenas (à 9km), à des fins « balnéaires ». Et en 1887 est créé officiellement le village de Varadero et ceci pour profiter du site naturel comme lieu de villégiature.
Jamais les Espagnols auparavant n’avait vraiment vécu sur la péninsule, malgré l’activité économique organisée pendant plusieurs siècles. En plus du sel, l’endroit servait à l’échouage des bateaux. On les immobilisait volontairement pour réaliser leur entretien et ceci grâce aux différents niveaux de sables en bordure de plage. Ce qui donne encore aujourd’hui toute la beauté caractéristique de Varadero, pour la palette de tons de bleus que reflète la mer à cet endroit, dû à ces bancs de sable de différentes profondeurs. On doit d’ailleurs le nom de « Varadero » à cette pratique dont la traduction serait « lieu d’échouage ».
Les Américains débarquent à Varadero
Dès les premiers moments de l’annexion américaine de Cuba, en 1900, les voisins du nord créèrent une entreprise pour promouvoir le site de Varadero : Cuba Chatagua Ressort. Car, on l’a vu, Varadero ne fut officiellement fondée que pour ses atouts balnéaires. A cette époque de fin du 19e, c’était un des rares endroits au monde où l’on se baignait… à l’air libre, lorsque la pratique du moment était de se mettre à l’eau dans de petits abris construits sur les plages à cet effet.
Ce « dévergondage » attira les progressistes, et c’est ainsi que Varadero, promu aux États-Unis, vit l’arrivée quelques temps après, des hommes d’affaires en quête d’investissements. Parmi eux, Irénée Dupont de Nemours, qui s’empressa dès 1926 d’acheter (à 15 centimes USD l’hectare !) plus de la moitié des terrains composant la péninsule. A couvert de l’entreprise qu’il créa soit disant pour la culture de plantes grasses, Henequeneras Peña d’Icacos S.A., il réalisa la meilleure opération immobilière de l’époque, revendant petit à petit en parcelles et au centuple.
La même année il fit construire sa maison qu’il baptisa, inspiré par un poème de Samuel Taylor, Mansion Xanadu, ce qui signifierait : « terre prodigieuse », un nom effectivement choisit à propos. Les architectes Govante et Lavaroca, on leur doit également le Capitole et la bibliothèque nationale de La Havane, réalisèrent ce qui constitue, encore aujourd’hui, un cas d’école (d’architecture), de par son style atypique et néanmoins très réussi pour cette résidence qui sert maintenant de Club House du Golf de Varadero.
Mais le meilleur développement touristique de Varadero se situe entre les années 30 et 40 et jusqu’en 1950. Grâce à de nombreux investisseurs américains, notamment Silbas, qui créa la Chambre de Commerce de la région, promoteur entre autres de l’hôtel Kawama encore utilisé de nos jours, Varadero devient une destination privilégiée de la villégiature américaine.
Le patrimoine architectural de Varadero
En se promenant dans Varadero ,on voit encore beaucoup de constructions issues de cette prestigieuse époque, durant laquelle, par exemple en 1950 lors du concours international d’architecture, de nombreux candidats choisiront Varadero comme site afin de réaliser leur œuvre. Parmi quelques bâtiments, aujourd’hui réhabilités ou transformés en installations touristiques, on remarquera les hôtels : Kawama, Los Delfines, L’Oasis (maintenant détruit), Pullman, Dos Mares et Internacional (maintenant détruit et reconstruit dans une version plus contemporaine).
En fait trois styles se détachent clairement parmi les constructions du Varadero d’avant la Révolution : les maisons en bois des années 20 et 30, issues directement du style des bungalows du sud des États-Unis. Le plus bel exemple étant l’ancien Musée de Varadero (connu en France comme « La Maison Bleue » pour avoir été mis en valeur dans le téléfilm Terre Indigo).
Puis, dans les années 30 et 40, les maisons se dessinent dans un savant mélange de pierres, notamment de corail avec ses couleurs et aspérités caractéristiques, et de bois visible sur les balcons, charpentes et structures de bâtiments : exemple de l’actuelle pizzeria Castel Novo, le restaurant Lai Lai, la policlinique de Varadero (coin calle 60), ou encore les hôtels Pullman et Dos Mares.
Enfin à partir des années 50, apparaît l’introduction du verre dans l’aménagement des ouvertures, visible notamment dans les jardins du Cuatro Palmas parmi les différentes villas comme l’ancienne résidence d’été du dictateur Batista, ou encore les hôtels Oasis et Internacional (ces deux derniers sont maintenant détruits).
A partir de cette époque, le même Batista donne un nouvel essor à Varadero. C’est l’aire du tourisme qui se développe. Il fera construire les voies d’accès, la fameuse Via Blanca (route Blanche) entre La Havane et la péninsule, développera les connexions aériennes. Apparaît pendant ces années les premiers hôtels hors de ce qu’on considère la ville de Varadero (comme l’hôtel Internacional - maintenant détruit et reconstruit). En 1956 Varadero est déclaré centre touristique national et international.
Varadero après la Révolution
Après le triomphe de la Révolution, Fidel Castro rendit les plages publiques, aménagea certaines installations selon ses besoins révolutionnaires, notamment facilita l’accès aux hôtels à la population, organisa un des centres de la campagne d’alphabétisation, ou encore mettra à disposition une villa pour le repos des cosmonautes russes de retour sur terre… (encore visible dans les jardins de l’hôtel Sol Sirenas). Mais il stoppa, pour une période, le développement au tourisme comme économie. La seule construction datant des années 80 fut l’hôtel Atabey et Siboney aujourd’hui Palma Real, exemple de l’architecture spartiate révolutionnaire.
Mais l’histoire se répète, et l’arrêt du développement touristique de Varadero ne fût que momentané. Depuis 1990, la péninsule a retrouvé sa vocation de premier centre touristique de Cuba.
Le mal nécessaire, comme on dit à Cuba, pour la survie économique du pays est devenu le tourisme et Varadero devrait se transformer en tête de proue de cette nouvelle économie.
Seulement, avant d’être une station balnéaire aseptisée, Varadero fut une ville, certes dont l’objectif était depuis sa création la villégiature, mais avec une âme, c’est-à-dire une population, une organisation et aménagements politiques classiques. Bien différente des nouvelles stations balnéaires cubaines organisées de toutes pièces, sur des sites déserts, les cayos (îlots) comme Largo, Santa Maria, Coco et autres projets en cours.
Pendant les belles années de la Révolution, les cubains rêvaient de Varadero, comme les Français de Cannes, Biarritz ou Saint Tropez. Le site était synonyme de vacances, soleil, détente. Les plus nantis y possédaient une maison secondaire, et se gagner quelques jours à Varadero, sous forme d’une stimulation de la part d’organisme politique, comme cela se pratique beaucoup à Cuba, était la récompense maximum, particulièrement pour les travailleurs de provinces. A cette époque les restaurants, cabarets, lieux de détente garantissaient l’animation de la bourgade, très fréquentée.
Aujourd’hui, même si l’on tente de le réduire à un simple centre touristique, Varadero est un village vivant. L’essentiel de son activité est bien sûr orienté sur l’exploitation de ses hôtels, moteur de l’économie, mais on peut encore y découvrir une âme de petite ville riche d’histoire. Les activités récréatives, bars, restaurants, cabarets, centres culturels imposent une résistance évidente face aux grands hôtels organisés en « tout inclus », régime incitant les visiteurs à rester cloîtrés pendant des jours, ayant tout à disposition sur place.
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