Les origines du Vedado en tant que quartier résidentiel doivent se trouver aux alentours de 1858, lorsque le conseil municipal de La Havane avait approuvé le lotissement de la ferme El Carmelo, une propriété qui s'étendait de l'actuelle avenue Paseo à la rivière Almendares.
Peu de temps après, la ferme El Vedado qui occupait l'espace entre la rue G et les limites d'El Carmelo serait morcelée. L'urbanisation s'est poursuivie plus tard avec la zone de Médina, en direction de Infanta, une allée qui marquait alors la limite occidentale de l'ancienne capitale cubaine, et s'étendait également jusqu'au Castillo del Príncipe, ancien château fort au sommet de la colline.
Avec le temps, la zone couverte par ces districts serait connue sous le nom d'El Vedado. C'était l'ancienne zone interdite, d'où son nom, où il était auparavant justement interdit de vivre, de semer, de déboiser et d'élever du bétail dans l'intérêt de la défense de La Havane coloniale.
Les blocs seraient d'une centaine de mètres en moyenne de chaque côté, et l'utilisation rationnelle des chiffres et des lettres pour nommer les rues fut alors introduite, dans une réaction d'américanisation flagrante.
L'urbanisation aurait deux avenues transversales, de véritables parcs, les avenues G et Paseo. Le tracé routier était orienté pour faciliter l'entrée des brises. Le projet envisageait l'existence de parcs et de parterres boisés, ainsi le jardin devait faire partie de la maison.
La première rue dessinée fut Línea, ainsi appelée parce que le tramway tiré par des chevaux y circulait, jusqu'à ce que ce moyen de locomotion soit remplacé par le premier véhicule de passagers à traction non animale que la ville possédait, et qui partait apparemment de l'intersection des rues Prado et San Lázaro, et parvenait à El Carmelo. Cette première machine à vapeur, en 1900, serait à son tour remplacée par le tramway électrique dont nous pouvons encore découvrir les traces sur certaines avenues principales de la ville.
Les ventes de terrains étaient d'abord lentes à El Vedado. En 1870, il n'y avait qu'une vingtaine de maisons. À ce moment-là, les manoirs en bois étaient construits dans un style clair importé directement de la Nouvelle-Orléans, États-Unis, et ils étaient situés presque tous dans la rue Linea et Calzada, près de la mer.
Aux alentours de 1895, il y avait déjà un développement remarquable dans le quartier d'El Vedado. Mais c'est surtout au début du 20ème siècle, que de somptueuses maisons ont émergé pour accentuer l'exclusivité de la nouvelle zone résidentielle.
La proximité de la mer avait en effet rendu le quartier pertinent. Sur le littoral, plusieurs balnéaires avaient été créés dès 1864. Les havanais y faisaient du tourisme. Les gens se baignaient à l'époque dans des soi-disant bassins de noyade, des criques naturelles ou creusées artificiellement dans les rochers. Il y en avait de petites plages, avec des espaces réservés à la famille, et d'autres très spacieuses, dans lesquelles hommes et femmes se baignaient alors séparément. Le droit au bain de mer coûtait alors 50 cents.
Ces fameux bains ont cependant disparu avec l'expansion du Malecón à partir de 1950.
Après la fin de la guerre d'indépendance, en 1898, et l'établissement de la République, en 1902, El Vedado acquit un essor inhabituel. Les riches d'ascendance quittèrent la Vieille Havane bondée et bruyante et achetèrent des terres pour construire dans le jeune quartier tellement spacieux. Les nouveaux riches firent de même ainsi que quelques hauts fonctionnaires de l'Armée de Libération qui percevaient enfin leurs salaires. Ceux qui faisaient fortune aux dépens de la politique arrivèrent également et s'installèrent autour du nouveau quartier exclusif.
Des résidences de toutes tailles, luxes et styles surgissent partout. Non seulement la partie basse, bordant la mer, mais aussi la zone de La Loma fut rapidement peuplée.
Le Paseo del Prado et le quartier du Cerro ne furent plus de l'intérêt des personnes disposant de suffisamment de ressources pour obtenir leur propre logement.
Un certain nombre de cinémas, théâtres, musées, boutiques et hôtels de luxe tels que le Victoria, le Presidente et le Nacional ont également prospéré.
Il ne faudrait pas longtemps pour que de puissants rivaux émergent dans les quartiers de l'ouest de La Havane, de l'autre côté de la rivière Almendares, Miramar, où les plus riches finiraient par approcher définitivement.
Même ainsi El Vedado, dans les années 50, deviendrait le quartier le plus moderne de La Havane, où les bâtiments les plus hauts furent érigés et les hôtels les plus fabuleux construits.
Déjà à l'époque, El Vedado revendiquait son droit d'être le cœur de la capitale cubaine, l'une des grandes réalisations de l'urbanisme sur l'île, qui continue d'être, pour vivre et travailler, le meilleur quartier de La Havane, d'après l'opinion de bon nombre de ses fiers habitants.
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