Depuis les années 1960, Cuba avait établi des relations stratégiques avec l'URSS et avait depuis souffert d'une dépendance historique vis-à-vis des importations alimentaires, avec plus de 30% des terres arables consacrées à la canne à sucre, l'une des rares denrées alors exportables dans ce pays.
Auparavant, la dépendance économique était similaire, mais les échanges commerciaux de la première moitié du XXe siècle se faisaient essentiellement avec nos voisins du nord, les États-Unis d'Amérique.
Entre 1989 et 1990, du fait de la chute du mur de Berlin, symbole de la fin d'une ère, Cuba perdrait tout accès au crédit et plus de 80% de son marché, ce qui a provoqué une crise économique sans précédent, marquée notamment par des pénuries alimentaires.
Les investissements s'étaient alors complètement arrêtés. La réduction de l'emploi a été dramatique. Les transports ont également été considérablement réduits, de même que la disponibilité de l'électricité, car il n'y avait pas de carburant et les services communaux ont presque disparu, ce qui a entraîné une détérioration marquée des conditions d'hygiène générale.
Avant 1989, Cuba importait plus d'un million de tonnes d'engrais, plus de 20 mille tonnes de pesticides et herbicides, un million et demi de tonnes de matières premières pour l'alimentation animale, 80% de céréales, 50% de riz, 90% de huiles et graines oléagineuses, près de 40% du lait et de ses dérivés. Tout avait ensuite disparu du jour au lendemain.
L'agriculture urbaine est alors apparue spontanément au cours de cette période particulière des années 1990, avec un grand soutien de l'État, comme alternative ou palliative à la situation critique de l'alimentation.
Ainsi, l'utilisation d'espaces urbains vides appartenant à l'État a été autorisée, les traditions presque oubliées ont été sauvées, les méthodes biologiques ont été vulgarisées pour améliorer les sols, et l'accès aux semences et aux outils agricoles de base a été facilité.
Puis, comme par magie, les jardins potagers, les organoponiques populaires sont apparus, et chaque jardin a commencé à produire des légumes au lieu de fleurs.
Cette nouvelle pratique agricole dans les villes a sans aucun doute contribué à la sécurité et à la qualité des aliments de la population.
C'était aussi une source importante de nouveaux emplois, plus de 100 000 dans tout Cuba et seulement à La Havane, un quart du total des nouveaux agriculteurs urbains.
Ainsi, il a été possible d'optimiser au fil des années une utilisation productive des espaces vides dans les villes, sans précédent dans l'histoire de Cuba, avec plus de 1500 hectares actuellement en exploitation dans le tissu urbain.
Au début du 21e siècle, Cuba a connu une reprise économique marquée et les espaces vides ont ensuite été utilisés pour les fonctions ordinaires de la ville. Cependant, les méandres capricieux de l'histoire nous ont replongés récemment dans une grande crise alimentaire et, bien que dans des conditions différentes et avec une plus grande disponibilité des ressources, le peuple cubain est revenu à l'agriculture urbaine comme solution immédiate et autonome aux pénuries alimentaires.
Il est donc pertinent de faire coexister les fonctions urbaines traditionnelles avec les bénéfices environnementaux et sociaux de l'agriculture urbaine, finalement arrivée dans nos villes pour y rester.
La ville de La Havane dépend entièrement de l'importation de produits agricoles des provinces voisines dotées de vastes zones de culture. À chaque jour on voit débarquer une moyenne de plus de 50 tonnes de produits agricoles partout dans la capitale.
Actuellement, il est courant de trouver de petits vergers dans les rues de toute zone résidentielle de la capitale cubaine, capables de garantir l'autosuffisance en légumes, bien que les marchés agricoles soient aujourd'hui correctement approvisionnés.
Cependant, du jardin à la table, la distance est plus courte et ce sera toujours beaucoup plus frais, moins cher et même intéressant pour démarrer un petit commerce.
Les nouvelles viennent des quatre coins du monde à propos des files d'attente interminables pour acheter de la nourriture à Cuba, de la rareté des vivres et de l'obsession des Cubains d'acheter de la nourriture à stocker au cas où les choses empireraient encore ... tout est vrai, mais curieusement personne ne peut affirmer qu'un seul Cubain est mort de la faim jusqu'ici, malgré les conditions très défavorables que nous traversons actuellement.
Des légumes, des fruits, des tubercules et des épices, du moins à la Havane nous n'en manquons pas vraiment, les agro-marchés éclatent souvent en couleurs, et les petits jardins potagers sont très efficaces. D'autres produits alimentaires sont cependant bien plus recherchés. La viande de porc par exemple, autrefois tellement habituelle, est devenue rare, même un luxe tel que le bœuf, disponible seulement aux nouveaux magasins à MLC. Du poulet, de l'huile et de la viande hachée c'est beaucoup plus simple à trouver, quoique difficile toutefois d'échapper aux files d'attente. Petit à petit les stands de charcuterie reviennent discrètement à l'activité bien qu'au double du prix. Du yaourt, du fromage, du chocolat, du café, des œufs, des céréales, du lait et d'autres petites gâteries pour les enfants, c'est difficile voire impossible de trouver, même aux magasins à MLC.
Ainsi va la vie à Cuba. Les choses tournent mal, il est vrai, mais nous continuons d'aller de l'avant chaque jour comme si c'était le dernier. Il y a toujours une solution à tout problème, tant que nous avons la santé, nous avons la force d'avancer et on se dit que ce n'est pas facile, certes, mais que tout va bien et qu'on finira par s'en sortir quand même.
Au passage, le fait qu'il y a des files d'attente partout c'est signe qu'il y a toujours des choses à vendre, même si rationnement pour permettre au plus de monde possible d'y accéder, et que ce grand monde a encore les moyens d'acheter ce qui est vendu.
À Cuba il y a toujours eu des files d'attente et il y en aura peut-être pour encore longtemps, bientôt même pour se faire vacciner, tout en espérant de pouvoir finir avec ce cauchemar sanitaire qui freine la relance économique des cubains. En attendant, la lutte continue.
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